CD : Une harpe pour chanter Le Rossignol en Amour
- Pièces de clavecin et de piano, transcrites pour harpe, de Louis-Claude Daquin, François Couperin, Jean-Philippe Rameau, Franz Liszt
- Elias Parish-Alvars : Introduction et Variations sur ''Norma'' de Bellini, op. 36
- Wilhelm Posse : Variations sur Le carnaval de Venis
- Paul Hindemith : Sonate pour harpe
- Agnès Clément, harpe
- 1 CD Genuin : GEN 19624 (Distribution : Distrart Musique)
- Durée du CD : 68 min 21 s
- Note technique : (5/5)
Voici un CD rafraîchissant. Qui se propose d'illustrer le théâtre de la nature et de ses animaux qui "n'ont eu de cesse d'inspirer les compositeurs", nous dit Agnès Clément, et ce que traduit à la perfection la harpe. Trois siècles de musique sont parcourus, du Siècle des Lumières au romantisme, puis au XXème. Au fil de pièces conçues pour la harpe ou transcrites pour elle à partir d'œuvres de clavecin ou de piano. Magistralement jouées par une jeune française, dans les pas de Lily Laskine et successeures.
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Agnès Clément (*1990), qui de son Auvergne natale se perfectionne au Conservatoire de Lyon et remporte plus d'un grand Prix, dont le fameux ARD de Munich, et est aujourd'hui harpe solo de l'orchestre de La Monnaie, livre une sélection de morceaux inspirés par les oiseaux, emblèmes des amours. Le XVIIIème siècle est illustré par Daquin et deux morceaux tirés de ses Suites de Pièces de Clavecin : ''L'Hirondelle'', où l'on entend comme des battements d'ailes, dans un entraînant rondeau, et ''Le Coucou'', qui flatte la transparence de la harpe par le chant du volatile et ses effets en répons. François Couperin est tout autant suggestif dans Les Folies Françaises ou Les Dominos du 3ème Livre de Pièces de Clavecin (1722) : ces 12 vignettes sont des allégories associées à des couleurs (La Pudeur sous le Domino couleur rose, La Fidélité sous le Domino bleu, etc ). Le morceau intitulé ''Rossignol en Amour'', qui donne son titre au disque, évoque tendresse et douceur. Toutes ces pièces ne perdent ni leur charme ni leur puissance évocatrice jouées à la harpe, bien au contraire. Il en va de même de celle titrée ''Le Rappel des Oiseaux'' de Rameau, où l'on perçoit tous les gazouillis d'une volière. En franchissant un siècle, quelques œuvres de Franz Liszt s'accommodent de pareil traitement du piano vers le harpe. Dans Le Rossignol (1842), transcrit par elle, Agnès Clément voit « la complexité insaisissable de son chant nocturne ». De fait, la mécanique pianistique de Liszt est magistralement transférée à la harpe. De Liebestraum (Rêve d'amour), elle dit que « son écriture arpégée et sa mélodie dans le grave épousent parfaitement les contours sonores de la harpe ». Enfin Consolation N° 3, sorte de Nocturne en hommage à Chopin, ''passe'' tout aussi bien à la harpe. À la même époque, qui voit l'instrument se développer considérablement, fleurissent des pièces brillantes destinées à faire valoir les qualités de ses interprètes. Ainsi le compositeur Elias Parish-Alvars (1808-1849), appelé par Berlioz ''Le Liszt de la harpe'', compose-t-il Introduction et Variations sur des motifs de Norma de Bellini (1838) : on y retrouve toute la finesse et la légèreté du discours, sa mélodie, ses ornementations, dans un pot-pourri reprenant les divers airs et duos de l'opéra.
Au XXème siècle, le harpiste Wilhelm Posse (1852-1925) écrit une pièce brillante dite Variations sur le Carnaval de Venise (1919) : un set de variations inventives d'une grande faconde à partir d'un air populaire du XVIIIème. Dans ce kaléidoscope de couleurs et de rythmes Agnès Clément laisse cours à sa formidable virtuosité, qu'on associe ailleurs à une grande sensibilité. Ce qu'on mesure encore dans la Sonate pour harpe que Paul Hindemih écrit en 1939. Une pièce introspective et d'une grande concision puisque ses trois mouvements ne dépassent pas les dix minutes. Le morceau exploite toutes les ressources de l'instrument, notamment dans le mouvement médian, ''Lebhaft'' (vif), comme s'illuminant. Le dernier, ''Lied'', sur celui '' Mes amis, quand je serai mort, accrochez la petite harpe derrière l'autel'', très lent, exhale le pouvoir envoûtant de la harpe. Tant chérie par notre jeune musicienne talentueuse.
L'enregistrement, dans une église en Allemagne, est aéré et d'un beau relief restituant avec goût les belles résonances de l'instrument.
Texte de Jean-Pierre Robert
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