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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Les Horaces, opéra de Salieri

Les Horaces Salieri

  • Antonio Salieri ; Les Horaces, tragédie lyrique ''mêlée d'intermèdes'', en trois actes. Livret de Nicolas-François Guillard, d'après la tragédie ''Horace'' de Pierre Corneille
  • Judith van Wanroij (Camille), Cyrille Dubois (Curiace), Julien Dran (le jeune Horace), Jean-Sébastien Bou (le viel Horace), Philippe-Nicolas Martin (l'Orcale/un Albain/Valère/un Romain), Andrew Foster-Williams (le Grand-Prêtre/le Grand Sacrificateur), Eugènie Lefebvre (une suivante de Camille)
  • Les Chantres du Centre de Musique baroque de Versailles, dir. Olivier Schneebeli
  • Les Talens Lyriques, dir. Christophe Rousset
  • 2 CDs Aparté : AP 185 (Distribution : PIAS)
  • Durée des CD : 55 min 33 s + 30 min 10 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5)

On ne saurait réduire Salieri à la péripétie de sa prétendue rivalité avec Mozart, très controversée d'ailleurs. Compositeur incontournable de son époque, il est l'auteur d'une vaste production d'opéras, dont l'un fut donné pour marquer l'inauguration du théâtre lyrique de Milan, La Scala, en 1778. Un autre titre, Les Horaces, inspiré de la tragédie de Corneille, se voit offrir ici une magistrale exécution due à Christophe Rousset et ses musiciens des Talens lyriques. À découvrir.

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Vingt-cinquième opéra d'Antonio Salieri (1750-1825), Les Horaces connut l'insuccès à sa création à Versailles en 1786, mais fut défendu par Beaumarchais qui voyait là « un fort bel ouvrage », même si « un peu sévère ». Cette tragédie lyrique ''mêlée d'intermèdes'', directement puisée chez Corneille, montre en effet un style avant-gardiste pour son temps, annonçant déjà le romantisme, et ce même dans le traitement du livret. Cette modernité en fait sans doute aujourd'hui toute la valeur, à l'aune du jugement réévaluant ces œuvres d'hier quelque peu oubliées, et ce en raison sans doute de son sujet politique et social. La pièce de Corneille est édulcorée par l'omission du fratricide final, et simplifiée par la suppression des personnages de Sabine et de Julie. L'opéra associe un certain réalisme qu'appelle cette thématique épique, et une déclamation noble s'inscrivant dans le droit fil de la tragédie lyrique française. La musique en est vive et contrastée. Son organisation aligne un schéma enchaînant récitatif proprement dit, souvent tendu, appelé ''récit'', airs brefs et chœurs. Le tout entrecoupé de passages symphoniques : sinfonia, marche, ou morceaux de danse, comme à l'acte III où sont enchaînés un ''divertissement'' fort rythmé, dans le style martial, lorsqu'Horace est porté en triomphe, puis une gavotte. L'action est elle-même divisée en trois actes et diverses scènes, et comprend en outre deux Intermèdes. Ceux-ci ne sont pas synonymes de divertissements, mais constituent des moments spécifiques de l'action, le second étant le fameux combat des Horaces et des Curiaces. On remarque encore des ensembles bien agencés, tel un trio à l'acte II, et surtout une façon originale de mêler un ou plusieurs solistes aux chœurs. En tout cas une belle inspiration extrêmement concise, qui ne faiblit pas.

Elle est portée haut par Christophe Rousset qui ajoute là un nouveau fleuron à sa nombreuse discographie opératique baroque. Car l'engagement, qui frappe d'emblée dès une Ouverture enlevée, ne se dément pas de bout en bout grâce à des tempos soutenus, notamment lors des passages à tournure guerrière ainsi que dans les changements de climats. Le sentiment d'aridité que peut dégager l'intrigue est tempéré par pareille vivacité. Les Talens Lyriques répondent au quart de tour par une palette de couleurs étendue, en particulier pour ce qui est des interventions des bois et des fanfares de cuivres. Les parties de chœurs sont défendues avec brio par les Chantres du CMBV que dirige Olivier Schneebeli, une formation connue pour sa rigueur et son chant engagé. La distribution est un sans faute. La soprano Judith van Wanroij, spécialiste de ce répertoire, offre de Camille un portrait paré de nobles accents tragiques, et vrais, comme à l'heure de l'imprécation finale contre Rome. La diction est exemplaire et le ton justement sombre et déterminé. Cyrille Dubois, Curiace, brille par un beau timbre de ténor clair, à la quinte aiguë aisée. Le dilemme amour contre devoir, auquel est soumis le personnage, est bien senti. Dans le rôle du vieil Horace, Jean-Sébastien Bou montre un art consommé de la diction française et dompte un débit, qu'on connaît sonore, aux exigences de retenue de l'univers baroque. Les autres rôles sont bien tenus dont celui du jeune Horace auquel Julien Dran apporte vie par un timbre de ténor expressif.

L'enregistrement, à l'Opéra du Château de Versailles, est une réussite pour une captation live qui, saisissant l'orchestre de près, comme les chœurs, offre un relief certain. Même si les voix solistes sont par instant légèrement en retrait. 

Texte de Jean-Pierre Robert

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