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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Le Lac des cygnes dans sa vraie vision symphonique

Tchaikovski Swan Lake

  • Piotr Ilyitch Tchaikovski : Le Lac des cygnes. Ballet en quatre actes. Version originale de 1877
  • State Academic Symphonuy Ochestra of Russia ''Evgeny Svetlanov'', dir. Vladimir Jurowski
  • 2 CDs Pentatone : PTC 5186 640 (Distribution : Outhere Music )
  • Durée des CDs : 71 min 54 s + 79 min 52 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile grise (4/5) 

Le Lac des cygnes, premier ballet de Tchaikovski, est sans doute le plus dansé. Mais on oublie peut-être que c'est surtout une magistrale partition symphonique par son inventivité mélodique et la qualité de son orchestration. Il est interprété dans sa version originale de 1877 pour le Théâtre Bolchoï, par l'Orchestre Académique d'État de Russie ''Evgeny Svetlanov'', dirigé par son chef moscovite Vladimir Jurowski qui en livre une exécution grandiose.

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Pour ce premier grand ballet, mis à part la musique de Cendrillon, Tchaikovski s'inspire d'un conte d'origine allemande qui voit le Prince Siegfried tomber amoureux d'une femme, Odette, issue de la métamorphose d'un cygne. Un magicien, Rothbart, faisant accroire que sa fille Odile est cette même femme, Siegfried s'en amourache, ruinant toute possibilité d'union avec Odette. Aucun pardon n'étant possible de la part de celle-ci, Siegfried préfère périr avec elle dans les eaux du lac. Une trame conduisant à la rédemption par l'amour, comme dans Le Vaisseau fantôme de Wagner. Le mythe du double, Odette/Odile, est une manifestation du thème du fatum tchaikovskien qui s'illustrera dans les trois dernières symphonies et à l'opéra, dans La Dame de Pique. On est proche aussi du thème aquatique de l'ondine, tant mis en musique à la fin du XIXème siècle. S'il écrit pour le ballet, Tchaikovski pense avant tout orchestre symphonique. On sait qu'après le quasi fiasco de la création au Bolchoï en 1877, la partition subira des remaniements à la demande de chorégraphes soucieux d'avantager leurs danseurs, et notamment de Marius Petipa. La version souvent jouée n'est qu'un lointain reflet des volontés premières du musicien. C'est ce à quoi a voulu revenir Vladimir Jurowski en restaurant la partition d'origine, sans coupures, et en la jouant sans les adaptations qu'impliquent les contingences de la danse, en particulier en termes de ralentissements des tempos. Il en résulte une œuvre flamboyante, aux contrastes souvent extrêmes, et dont les numéros purement décoratifs - les diverses ''danses'' ou autres ''Pas'' – parviennent même à s'intégrer naturellement dans une action finalement pas si mince qu'il y paraît. 

Bien sûr, Le Lac des cygnes, c'est le triomphe de la valse, comme dans le N° 2 du Ier acte, ou dans les Pas de deux qui suivent. Mais aussi d'une grande variété de danses, Mazurka, Polonaise, etc., de la plus mesurée à la plus débridée, façon orphéon. On compte aussi les ''Pas d'action'' et autres grandes fresques sonores avec leurs effets de répétitions amplificatrices, ou de rétrogradation pour mieux ménager le ressort dramatique. Ce sont aussi les mélodies mémorables, comme celle ouvrant le finale de l'acte I, dit Leitmotiv des cygnes, et sa mélopée de hautbois, sorte de signature de la partition. Qu'on retrouve au début des actes II et III, et aux dernières pages du ballet. Autre sympathique mélodisme, celui de la ''Danse des cygnes'' à l'acte I, et ses diverses formes, dont la ''Danse des cygnes IV'', à l'allure trottinante enluminée par le hautbois et le basson. Ou la suivante et son solo de violon, ici nursé avec grande délicatesse par Jurowski dans un crescendo mesuré. Que dire encore des diverses danses ''européennes'' du IIIème acte ! De la Czárdás, plus vraie que vraie, à la Napolitaine et sa trompette, de la Russe et son envoûtant solo de violon, à l'Espagnole et ses castagnettes, tout cela dans une profusion de tempos différents et d'éclairages colorés où Tchaikovski s'essaie à assimiler l'élément nationaliste. Le russe certainement mieux que l'espagnol. La Mazurka couronnera le tout d'un entrain irrésistible. À ce compte, Jurowski ne lésine pas, qui affiche une énergie tout sauf cassante.

Il confère à cette musique une vie extraordinaire, lui qui considère Le Lac des cygnes comme "une des plus grandes réussites de Tchaikovski". Il en a la mesure pour mettre en exergue la clarté de la texture, l'inventivité mélodique, la générosité sonore. Le discours est fluide, sans sollicitation hyper romantique, le substrat dramatique des ''scènes'' parlant de lui-même, pour ce que sont autant de morceaux d'opéra sans paroles. Ainsi de la scène finale, digne d'une fin opératique tragique : tempête engloutissant les deux héros dans les eaux, alors que tout se déchaîne furieusement, puis montée en apothéose et son grand climax de tout un orchestre à plein régime, en crescendos d'accords ffff, et enfin décroissance sonore à l'heure du retour au calme, lors de l'apparition des jeunes cygnes sur le lac. On pense à la fin du Faust de Gounod. On aura noté chez le chef russe la maîtrise de la dynamique, notamment la nuance mezzo piano et les forte fiers, comme ''soulevés'' pour dégager tout l'impact dramatique. Son orchestre brille de mille couleurs, qui possède le vrai feeling de cette musique.

L'enregistrement live à Moscou offre une image très large, dans une ambiance aérée pour un indéniable relief. Reste que les violons I sont trop ravalés à gauche, que l'étagement des plans pour ce qui est des bois et cuivres, par rapport aux cordes, est peu sensible, même si la synthèse sonore est satisfaisante. Et qu'une trop grande présence des graves peut conduire à une impression de résonance dans le registre forte. 

Texte de Jean-Pierre Robert

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