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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

Concert : Mozart, Haydn et Gluck célébrés par Magdalena Kožená

Magdalena Kozena

  • . Wolfgang Amadé Mozart : Symphonie N°40 en sol mineur,K. 550. Arias extraites de Le Nozze di Figaro & de La Clemenza di Tito
  • Christophe Willibald Gluck : arias extraites de Paride e Elena & de Il Parnasso confuso
  • Joseph Haydn : cantate ''Berenice, che fai?'', Hob. XXIVa:10
  • Magdalena Kožená, mezzo-soprano
  • Orchestra of the Age of Enlightenment, dir. Giovanni Antonini
  • Théâtre des Champs-Elysées, Paris, le 13 février 2019, 20h

Voilà un concert qui sort des sentiers battus, au-delà du récital vocal, dépassant la soirée symphonique. Le programme conçu par la chanteuse Magdalena Kožená et le chef Giovanni Antonini s'articule autour des quatre mouvements de la Quarantième symphonie de Mozart, à laquelle sont associés des airs du même compositeur comme de Gluck et de Haydn. Mis en valeur par une voix d'exception et un orchestre qui ne l'est pas moins. Un concert passionnant de bout en bout. Et une invite à peut-être revoir la façon de concevoir les programmations pour les sortir de leur torpeur habituelle.

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Cette manière de mettre en miroir un cadre symphonique et des airs d'opéra n'est certes pas nouvelle. Mais elle prend ici un tour particulièrement innovant car la symphonie ''prétexte'' est jouée non pas en continu, mais par mouvement, chacune de ses quatre parties introduisant une séquence vocale. Participant les unes et les autres d'une thématique alliant grâce de la manière de dire et véhémence des idées, celle même du mouvement Sturm und Drang naissant. Ainsi le Molto Allegro de la Quarantième symphonie de Mozart constitue-t-il une sorte d'Ouverture, grandiose il est vrai, à un programme qui va voir se succéder les trois autres mouvements de la symphonie et des airs d'opéras empruntés aussi bien à Mozart qu'à Gluck et à Haydn, le répertoire de prédilection de la cantatrice tchèque. Il débute par l'aria ''O del mio dolce ardor'' (Oh cher objet de ma douce ardeur), tirée de dramma Paride e Elena de Gluck, où le héros déclare une flamme très pudique, alors que la voix est enluminée par l'accompagnement du hautbois. Pour faire contraste, Giovanni Antonini joue immédiatement après la ''Danse des furies'' d'Orphée et Eurydice, avec une vivacité peu commune, là où le hautbois donne comme une sorte de signal en répons aux deux cors. Vient l'aria du IVème acte des Noces de Figaro, dans laquelle Suzanne tente de séduire à nouveau son Figaro d'époux. Mais là une surprise nous est réservée par Magdalena Kožená : car passé le récitatif, ce n'est pas l'aria, dit des marronniers, ''Deh vieni non tardar'' qu'elle enchaîne, mais l'air alternatif K. 577 ''Al desio di chi t'adora'' (Au désir de celle qui t'adore), où Suzanne se fait plus véhémente et insiste sur les promesses et serments peut-être non tenus. La ligne vocale est ici bien différente, avec une longue vocalise entre les deux strophes et des trilles virtuoses à la coda. Un air qui flatte le registre central du soprano et s'appuie sur une batterie fleurie de la petite harmonie, digne des passages topiques à cet égard qu'on trouvera dans Così fan tutte. Après le 2ème mouvement de la symphonie, Kožená joue la cantate Berenice de Haydn, un des morceaux favoris de sa consœur Teresa Berganza. Elle la ''joue'' aussi bien qu'elle la chante, car de cette scène mélodramatique, elle fait un morceau presque d'opéra, au fil des divers états d'âme de l'héroïne, tourmentée, désespérée, prête au suicide. Un grand moment de chant habité, au long de ses trois séquences, récitatif interrogatif d'une femme en proie à quelque délire funeste, puis air lent marquant un répit, et enfin sa partie plus rapide pour traduire une aspiration de mort.

 Orchestra of the Age of Enlightenment
Orchestra of the Age of Enlightenment ©DR

Après le Menuetto de la symphonie, la chanteuse interprète l'aria ''Di questa certa in seno'' (Au sein de cette lyre) extraite de l'opéra Il Parnassso confuso de Gluck : sorte de berceuse accompagnée des seuls altos et des pizzicatos des autres cordes. Viendront ensuite, enchâssant le finale de la symphonie, deux extraits de La Clémence de Titus, confiés au personnage de Sesto : ''Deh, per questo istante'' (De grâce, pour un instant), d'un bel entrain, puis le célèbre air ''Parto, parto'' (Je pars, je pars), où la voix est secondée par la clarinette solo. Kožená fait montre d'une assurance insolente et d'une totale identification au héros mozartien. La voix se lovant dans la mélopée de la clarinette, magistrale ici, offre une des plus belles inspirations de Mozart, digne d'un grand air de concert. Ce morceau mérite à son interprète, comme pour tout le reste du récital, l'ovation d'un public reconnaissant. Qui lui fera donner deux bis, empruntés également à Mozart. Ce seront d'abord l'air de Chérubin ''Voi che sapete'', malicieusement déclamé, et surtout une nouvelle rareté : un second air alternatif de celui de Suzanne au dernier acte des Noces de Figaro, qu'elle indique resté inachevé et avoir été complété par le chef d'orchestre Charles Mackerras : ''Non temer amato bene'', d'une puissance qui l'attribuerait plus à La Comtessa qu'à sa camériste tant la ligne vocale requiert de panache, ce dont Magdalena Kožená ne manque pas. 

Et la symphonie ? Son interprétation est d'une étonnante densité grâce à un orchestre d'un raffinement inouï, qui ne connaît pas le mot routine, et dont on se souvient qu'il est l'une des deux formations en résidence au Festival de Glyndebourne, et un chef qui semble respirer chaque note et offre une gestique quasi chorégraphiée. Le Molto allegro est bondissant, nanti de bois incisifs, et va jusqu'à débusquer des dissonances à la petite harmonie, ce que renforce la patine des instruments anciens. L'Andante très retenu, est à la limite de l'adagio, mais d'une profondeur abyssale. Le Menuetto est très allant et son trio, plus lent que souvent, déploie des trésors expressifs. Quant au finale haletant, il est extrêmement articulé et en même temps d'une transparente souplesse. On ne croit pas ses oreilles devant pareille manière de jouer Mozart, naturelle, vivante, proche du théâtre d'opéra. Par un orchestre et un chef qui, par ailleurs, plus qu'ils accompagnent la chanteuse, lui font un mirifique écrin. Un concert décidément à chérir. 

Texte de Jean-Pierre Robert 

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Théâtre des Champs-Elysées

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