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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

Concert : Un gala Verdi pour l'immense Placido Domingo

Placido Domingo
Placido Domingo

  • Giuseppe Verdi : Airs, duos et trios extraits de Macbeth, Simone Boccanegra, I Vespri Siciliani, Don Carlo, Un Ballo in maschera, Luisa Miller, La Traviata, Attila, Il Trovatore
  • Ouvertures de Un Giorno di regno, I Vespri siciliani. Valse du Ballet de Macbeth
  • Placido Domingo, baryton
  • Irina Lungu (soprano), Arturo Chacón-Cruz (ténor), Rafal Siwek (basse)
  • Orchestre national de Belgique, dir. Eugene Kohn
  • Philharmonie de Paris, Grande salle Pierre Boulez, le 18 janvier 2019 à 20h30

Un gala Verdi pour honorer Placido Domingo qui atteint ses quelques 60 ans de carrière, voilà ce que présentait la Philharmonie de Paris lors d'un concert d'airs et d'ensembles extraits d'opéras du compositeur italien. Malgré un changement d'orchestre et de chef, par rapport à l'annonce du programme de saison, ce concert, marqué au coin du beau chant, aura permis, au-delà de la pure succession de morceaux, d'embrasser quelques-uns des rôles phares du grand chanteur dans son emploi de baryton, désormais le sien depuis 2009. Et d'entendre trois de ses collègues, venus non seulement entourer le héros du jour, mais démontrer leurs talents chacun dans sa tessiture.

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Après l'Ouverture d'Un jour de règne, clin d'œil peut-être à celui de Placido Domingo qui ne les compte plus, celui-ci débute son récital par l'air de Macbeth du IVème acte : attaque forte en voix, car la puissance est là intacte, le legato aussi pour portraiturer un homme confronté à une mort certaine. Vient l'air de Fiesco de Simon Boccanegra que Rafal Siwek lance avec fière assurance, un artiste qui s'est déjà fait un nom dans le registre de la basse. Pour son entrée en matière, la soprano Irina Lungu choisit l'air périlleux d'Elena des Vêpres siciliennes, où la colorature se déploie sur un rythme de boléro. Puis Domingo et Siwek donnent le fameux duo entre Philippe II et Posa, à l'acte I de Don Carlo, donc en italien, un moment fort de l'ouvrage où le fougueux Rodrigue ose affronter le roi d'Espagne et lui dire quelques vérités de la situation politique. Si Siwek n'a pas, en situation de concert, toute la carrure du premier, Domingo se coule avec un confondant naturel dans celui de l'audacieux marquis. On mesure combien pour cet emploi de baryton, celui précédemment assumé de ténor, devenu plus ''grave'' au fil des ans, Othello oblige, aura été facilitateur et lui confère une couleur éclatante. On admire la naturelle clarté qui fait tout le prix de l'interprétation, avec en prime un legato que beaucoup de ''vrais'' barytons peuvent lui envier. Car notre maestro, qui fêtera sous peu ses 78 ans, n'a rien perdu ni du tonus, en particulier dans l'aigu, ni de l'élégance du phrasé, qui l'ont toujours caractérisé. On ajoutera une vraie empathie avec la langue de Verdi. En quelques répliques, le personnage est là. Le ténor Arturo Chacón-Cruz qui fut un des premiers lauréats du concours Operalia, chapeauté par Domingo, interprète ensuite l'air de Riccardo d'Un bal masqué. Le phrasé est beau, n'étaient des aigus passés en force. La première partie se conclut sur le trio de l'acte III de Luisa Miller, où dans un de ces rôles de père qu'il affectionne désormais, Placido Domingo montre un déchirant désespoir devant la mort d'une fille aimée. Un rôle qu'il avait abordé en 2018 sur la scène du Met de New York, aux côtés de Sonya Yoncheva.

Placido Domingo Luisa Miller MET NY
Placido Domingo dans Miller au Met de New York, avec Sonya Yoncheva ; DR

En seconde partie, encore plus chargée d'adrénaline, on entendra l'Ouverture des Vêpres siciliennes, bien timbrée par un orchestre belge qui connaît son lyrique et un chef qui aime Verdi, puis le duo Arrigo-Monforte de cet opéra. Monforte, un nouveau personnage ajouté à la liste de ceux explorés par l'insatiable Domingo, le 11ème dans son registre de baryton. Et en première ici, pour Paris. Ce qui porte à quelques 150 le nombre des rôles abordés par le chanteur, tous registres confondus : depuis Alfredo en 1961, et pour s'en tenir au répertoire verdien, en passant par le Duc de Mantoue de Rigoletto, dont il assure aussi le rôle titre, Radames, Don Carlo... et bien sûr le rôle fétiche d'Othello, abordé à 34 ans, et chanté plus de 200 fois à travers le monde. Jusqu'aux parties de baryton, entamées par Simon Boccanegra en 2009 à Berlin. Le duo des Vêpres Siciliennes montre une totale vaillance et encore une fois un art consommé de créer le personnage, dans ces thèmes ici repris de l'Ouverture. Même en l'absence de mise en scène, on le sent dans le personnage. Inira Lungu donne une magistrale exécution de l'air de Violetta au Ier acte de La Traviata ''È strano... sempre libera'' : ductilité de la ligne de chant, aigus aisés et impact dramatique. Un autre duo tiré de Don Carlo, celui de la prison, entre Rodrigue et l'Infant, verra Domingo ému entraîner son collègue dans un rare moment de tension, la voix de ce dernier s'assouplissant alors. Ce qui se vérifie d'ailleurs pour l'air de ténor de Luisa Miller ''Quando le sere al placido'', d'une très belle facture. Comme le sera celui d'Attila, chanté par Rafal Siwek. Abordant Luna de l'opéra Le Trouvère, Domingo anime le duo avec Leonora de l'acte IV d'une autorité certaine.

Au fil de ces airs, duos et ensembles, le chanteur se sera taillé la part du lion, sans vedettariat pourtant. Car Placido Domingo est homme généreux et sait ne pas tirer la couverture à soi. Que dire encore de ces phénoménales prestations. Remarquables sont le ''slancio'', c'est-à-dire l'élan, le mordant aussi, à l'appui d'un phrasé toujours au plus près du texte. La clarté de l'élocution surtout, qui rend immédiatement perceptible la beauté de la langue italienne et pare chaque interprétation de signification. Et bien sûr un souci du chant legato qui confère à ces rôles de baryton Verdi, si porteurs, tout leur prestige.

À l'heure des bis, on quitte Verdi pour quelque démonstration de vocalité pure. Et puisqu'ils sont quatre, il y en aura quatre. Arturo Chacón-Cruz entame avec Puccini et ''E lucevan le stelle'', de Tosca, dans un tempo d'une étonnante lenteur. Rafal Siwek enchaîne avec Rossini et ''La calunnia'' du Barbier de Séville, d'une sobre grandeur et bien incisif. Irina Lungu choisit ''O mio babbino caro'' du Gianni Schicchi de Puccini, d'une ligne parfaite. Enfin, il maestro Domingo conclut avec Giordano et l'air corrosif de Gérard de son opéra André Chénier, dans une forme plus qu'éblouissante, lançant une note finale aiguë à faire trembler l'édifice. Et à déchaîner le vrai délire parmi le public. 

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Texte de Jean-Pierre Robert



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