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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

Concert : Simon Rattle et le LSO associent Brahms, Debussy et Enesco

Simon Rattle LSO

  • Johannes Brahms : Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 77
  • Claude Debussy : Images, pour orchestre
  • George Enesco : Rhapsodie roumaine N°1
  • Leonidas Kavakos, violon
  • London Symphony Orchestra, dir. Sir Simon Rattle
  • Philharmonie de Paris, Grande salle Pierre Boulez, le 17 décembre 2018 à 20 h 30

Dans le cadre de sa résidence parisienne, le LSO et son directeur musical Sir Simon Rattle jouaient Brahms, Debussy et Enesco. Un programme s'inscrivant dans le cycle en cours à Londres sous le thème ''Racines et origines'', associant pour ce concert trois compositeurs qui ne le sont pas nécessairement, bien que chacun inspiré par une forme de tradition populaire. Le violoniste Leonidas Kavakos prêtait son concours à l'entreprise et la phalange londonienne ses immenses talents, singulièrement dans la pièce française.

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Le Concerto de violon de Brahms est un des monuments de la littérature violonistique. Quoi qu'il n'en fut pas toujours ainsi, l'œuvre étant à sa création décriée comme ''réputée injouable'' du fait de ses difficultés techniques. Réputation qui ne cessa pas de si tôt : le concerto sera critiqué par plus d'un, en particulier les français comme Debussy qui y voyait ''un monopole de l'ennui''. Voire par des instrumentistes comme le violoniste virtuose Pablo de Sarasate qui ira jusqu'à refuser de l'interpréter. Cela paraît étonnant aujourd'hui lorsqu'on sait la faveur que connaît cette œuvre auprès du public et l'attachement que lui portent ses interprètes. Elle évoque de manière indirecte une tradition folklorique, celle de la musique magyar. Cette influence, on la ressent dans l'exécution qu'en livre Leonidas Kavakos. L'allegro initial, pris dans un tempo bien contrasté par Rattle, voit quelques ralentissements à la fin de l'exposition, ce qui introduit une pointe de tragique. On retrouve pareille impression au développement. La cadence brillante est hautement pensée. À l'adagio, le violon s'inscrit dans le beau thème initié par le hautbois, lequel n'est pas sans deviner une origine tzigane. Le chant du soliste s'épanche comme une romance sans parole. Et tout s'achève dans un suprême apaisement. Rattle lance l'allegro giocoso final avec éclat et fff, en contraste marqué avec les pages précédentes. Ce finale sera brillant. La sonorité franche et claire de Kavakos montre quelle souveraine maîtrise est la sienne. Ovationné, il donnera en bis un mouvement d'une sonate pour violon seul d'Ysaÿe, déclinant le Dies irae, puis un extrait d'une sonate de son compatriote Nikos Skalkottas (1904-1949), dont l'écriture tendue signe quelque ressemblance avec un morceau de Chostakovitch. 

Leonidas Kavakos

Claude Debussy écrit ses Images, pour orchestre entre 1906 et 1912. Le triptyque ne sera donné dans son intégralité que l'année suivante. Chacune des trois parties évoque une contrée : l'Écosse pour ''Gigues'', puisant dans un folk song, la France pour ce qui est de ''Rondes de printemps'' avec la chanson ''Nous n'irons plus au bois'', et bien sûr l'Espagne s'agissant d''Iberia''. Une Espagne fantasmée dont de Falla louera la véracité du trait. La parenté folklorique est plus que ténue, et le choix de cette œuvre dans le cadre du thème susmentionné sans doute peu évident. Ce qui l'est plus, sera d'avoir ainsi honoré un centenaire autrement peu fêté au concert à Paris. Conformément à une pratique établie, Rattle place ''Rondes de printemps'' en second et non à la fin, laissant au triptyque ibérique le soin de conclure. Dès les premières mesures doucement mystérieuses de ''Gigues'', on est séduit par la sonorité gallique de l'orchestre londonien. Par le sens de l'urgence aussi que son chef apporte au flux debussyste. On retrouve là l'amoureux de musique française et le défenseur de Pelléas et Mélisande. Une finesse extrême des rythmes et danses, des harmonies complexes, qui participe ici d'un parfait naturel. Comme lors de ces moments lascifs, presque paresseux, au son du hautbois d'amour. L'art de l'évocation, Rattle le traduit dans ''Rondes de printemps'' à un rare degré de perfection, usant d'une large palette et d'une véhémence digne de La Mer, creusant les écarts dynamiques, presque boulés. Les trois volets d''Iberia'' déploient une peinture magistrale : ''Par les rues et par les chemins'', possède ce sens de la progression, ce que Boulez appelle une « manière inédite de ''créer'' le développement » qui fait qu'on ne revient jamais en arrière, encore moins qu'on se redit. Des ''Parfums de la nuit'', on perçoit l'atmosphère étouffante d'une nuit andalouse chargée d'odeurs et d'impressions, là encore lascives, et étouffées. La transition avec ''Le matin d'un jour de fête'' et ses effets de cloches lointaines puis plus proches, est d'une force d'évocation inouïe, débouchant sur un éclat de lumière, une fête joyeuse, étourdissante dans son débit pressé. Fabuleux solistes du LSO, hautbois, flûtes, cor anglais ! 

C'est peut-être avec le dernier morceau du programme, la Rhapsodie roumaine N°1 d'Enesco que Rattle s'approche le mieux du motto ''Racines et origines''. Car cette pièce, créée en 1903, plonge sans conteste dans la veine populaire, directement inspirée qu'elle est d'une chanson locale. Son thème est introduit par la clarinette, puis repris au hautbois, avant d'être décliné par ces deux-là, et ensuite par l'alto, le violon, etc... La forme rhapsodique favorise le mélange de ces bribes de thèmes librement associés. Pour ce qui est une succession de danses aux indications aussi diverses que : modéré à très vite, posément à allègrement, plus vite à encore plus vite. De fait, cela s'enroule fiévreusement et se déroule tout aussi frénétiquement, dans un mouvement ascensionnel ou descendant, de flux et de reflux, de montée en puissance enivrante et de décélération tout aussi étonnante, notamment dans le registre piano. Voilà un formidable faire-valoir pour l'orchestre partout sollicité, un morceau de bravoure qui telle une sorte de perpetuum mobile, semble ne jamais vouloir s'arrêter jusqu'à l'ivresse. Inutile de dire que Rattle et ses forces jouent le jeu à fond, concluant le concert en feu d'artifice.

Texte de Jean-Pierre Robert

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Philharmonie de Paris

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