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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Maddalena ai piedi di Cristo d'Antonio Caldara

Antonio Caldara Maddalena ai piedi di Cristo

  • Antonio Caldara : Maddalena ai piedi di Cristo, Oratorio à 6, con sinfonia. Texte de Ludovico Forni
  • Emmanuelle de Negri, Maïlys de Villoutreys, Benedetta Mazzucato, Damien Guillon, Reinoud van Mechelen, Riccardo Novaro
  • Le Banquet Céleste, dir. Damien Guillon
  • 2 CDs Alpha : Alpha 426 (Distribution : Outhere Music)
  • Durée des CD : 128 min
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

Au sein de l'immense production d'Antonio Caldara (1670-1736), l'oratorio occupe une place majeure. La Madeleine aux pieds du Christ est le troisième d'une quarantaine de pièces de ce genre. Il voit le jour à Venise en 1697. Il est interprété ici par un ensemble bien connu pour ses prestations engagées, Le Banquet Céleste, fondé en 2009 et dirigé par Damien Guillon, lui-même contre-ténor et se produisant ici parmi les six solistes. Un collectif de musiciens rompus au baroque et spécialement attachés à défendre des œuvres emblématiques et méconnues de ce répertoire. Une exécution d'une remarquable facture.

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Alors que l'opéra est proscrit de la vie musicale de l'époque, l'oratorio, même empruntant à un sujet religieux, en tient quasiment place tant il développe une vraie dramaturgie. On a pu dire qu'il s'agissait de « théâtre en musique », au fil d'une construction où le récitatif le dispute à l'aria aux fins d'expressivité. La Maddalena ai piedi di Cristo offre une trame relativement simple : le choix cornélien de Marie-Madeleine entre plaisirs profanes et dévotion sacrée, écartelée qu'elle est entre luxure et abstinence. Ce sujet du tourment intérieur vécu par une femme pécheresse, du conflit entre Bien et Mal, est très prisé à l'époque baroque, comme chez Haendel dans son oratorio Il Trionfo del tempo e del disinganno. Caldara le décline au long de deux parties, précédées chacune d'une courte sinfonia, et offrant une succession de morceaux selon le schéma : récitatif - ritornello (ou introduction orchestrale) - aria et son da capo. On discerne deux types d'arias selon qu'elles sont courtes ou plus développées : les plus brèves réservées aux épanchements intimes, les autres à des instants propices à l'émotion intense ou à l'expression de sentiments plus forts et partant, matière à virtuosité vocale. Ainsi du désespoir auquel succombe un moment Maddalena. Au centre de l''action'' se situe la lutte des deux personnages allégoriques, Amour Céleste et Amour Terrestre se disputant le destin de Maddalena, soit au long de dialogues par le truchement du couple récitatif-aria, soit en duo, comme au final de la première partie, l'un revendiquant le pouvoir des sens, l'autre celui de la grâce. La seconde partie voit intervenir le Christ. De même que le Pharisien, plus ambigu que jamais, à mesure qu'Amour Terrestre perd du terrain jusqu'à livrer un dernier combat et jeter ses derniers feux, en appelant aux furies de l'Érèbe. Il s'avouera finalement vaincu et Maddalena repentante triomphera des forces du Mal.

L'interprétation du Banquet Céleste offre bien des atouts. À commencer par un instrumentarium pas trop fourni, moins riche que celui favorisé par René Jacobs et la Schola Cantorum Basiliensis dans leur enregistrement de 1996 (Harmonia Mundi) : un ensemble d'une quinzaine de musiciens, cordes, luth et clavecin, dégageant un climat chambriste. La délicatesse du discours, qui sait être vif et alerte, tient pour beaucoup de ce que la direction est confiée à un chanteur qui procure un idéal soutien à ses collègues. Jacobs, lui-même aussi ancien chanteur, revendiquait une approche plus démonstrative, presque théâtrale, créée par une acoustique d'enregistrement plus résonnante. Le chalenge est d'éviter la monotonie générée par la succession de récitatifs et d'arias. Rien de tel ici. Le panel de chanteurs est à l'unisson de cette vision pensée. Dans la partie exigeante de Maddalena, Emmanuelle de Negri offre brio, beauté du timbre de soprano et un art consommé des nuances, de la déploration à l'émotion vraie, et à l'élévation d'esprit au moment où le personnage renonce aux « égarements de l'amour lascif et d'une beauté coupable » et accepte les bienfaits d'une vie proche « du Ciel serein ». Maïlys de Villoutreys, Marthe, fait contraste de son timbre plus léger. Là aussi on admire l'art de la déclamation sobre. Comme il en est de la souplesse des vocalises du ténor Reinoud van Mechelen, dans le rôle du Christ. Benedetta Mazzucato, belle voix d'alto, négocie avec aisance les appogiatures et les passages dans le grave d'Amor Terreno. Damien Guillon défend avec justesse de ton et une belle ductilité le rôle d'Amor Celeste, même si le timbre de contre-ténor n'est pas toujours des plus plaisants. Seul Riccardo Novaro, le Pharisien, est un peu en deçà, du fait d'une intonation manquant d'introversion.

L'enregistrement live, en concert à l'Opéra de Rennes, est proche et intimiste, bien en accord avec l'approche chambriste adoptée par le chef. La balance est satisfaisante entre voix et instruments, les premières d'un relief certain, les seconds traités comme plus qu'un simple accompagnement.

Texte de Jean-Pierre Robert  

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