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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

Concert : L'orchestre de Philadelphie à la Philharmonie de Paris, le 26 mai

Orchestre de Philadelphie Philharmonie

  • Johannes Brahms : concerto pour piano N°1 en ré mineur op. 15
  • Robert Schumann : symphonie N°4 en ré mineur, op. 120
  • Richard Strauss : Don Juan, poème symphonique op. 20

  • Hélène Grimaud, piano
  • The Philadelphia Orchestra, direction Yannick Nézet-Séguin 

  • Philharmonie de Paris
    Grande salle Pierre Boulez, le samedi 26 mai
    www.philharmoniedeparis.fr

Pour l'une des étapes de sa tournée européenne, l'Orchestre de Philadelphie faisait halte à la Philharmonie de Paris. L'appellation de «fabulous philadelphians» n'est pas usurpée à l'expérience de la sonorité chaude et somptueuse, des cordes tout particulièrement, et de la formidable cohésion de cette phalange d'exception. Qui au nombre des ''Big Five'' Nord américains, connut des directeurs musicaux célèbres, Stokowski, Ormandy, Muti, Sawallisch. Et aujourd'hui Yannick Nézet-Séguin, pour jouer ce soir Brahms, Schumann et Richard Strauss et nous donner le grand frisson. 

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Le Premier concerto pour piano op. 15 de Brahms met aussi bien en valeur le soliste que l'orchestre, au point qu'on a pu le qualifier de «symphonie avec piano obligé». Une impression qui prend tout son sens à l'écoute de l'interprétation qu'en donne Hélène Grimaud, un de ses morceaux de bravoure favoris. Yannick Nézet-Séguin entame la longue introduction orchestrale du Maestoso large et lent, nous immergeant dans un climat véhément traversé d'accords martelés. Cela sonne majestueux, sans emphase cependant, comme il en sera de la suite de cette exécution. Après une entrée presque sur la pointe des pieds, le piano d'Hélène Grimaud se fond dans le discours symphonique. Mais vite les climats vont se montrer très contrastés, au fil de ce mouvement d'une grande liberté formelle. Du deuxième mouvement Adagio, le chef fait un écrin de choix, très lent et pianissimo, nanti encore de ralentissements pour plus d'expressivité de ce qui est une rêverie, une méditation passionnée. Grimaud use là d'un très large spectre de nuances. Tout en contraste, le Rondo final, d'une robuste gaieté, progresse au fil de ses nombreux thèmes, dans un mode proche de la variation, un genre dans lequel excelle Brahms. Une belle dose d'adrénaline marque la battue du chef, permettant aux passages solistes d'émerger avec force ou retenue. La fin prestissime dans son élan fulgurant déchaine les vivats du public. Cette exécution, inscrite dans une couleur orchestrale opulente, aura mise au jour une palette pianistique qui, certes, ne manque pas de panache lorsqu'on sait l'engagement physique exigé de l'interprète, mais est presque trop étendue, du toucher impalpable à la puissance tellurique, au point de brouiller la cohérence d'ensemble de la partie soliste. Il est certain que ce concerto réclame plus que tout autre un sens aigu du dosage de l'imbrication du piano dans le tissu symphonique.

Helene Grimaud

Dans la même tonalité de ré mineur, et sous la dédicace à Clara Schumann, celle-là même pour qui Brahms écrira l'adagio de son Premier concerto, la Quatrième symphonie de Schumann, jouée dans sa version révisée de 1851, sonne fière et conquérante. Une exécution qu'on sent d'emblée ''grande manière'', d'une longue coulée au fil de ses quatre parties enchainées. Passée l'introduction lente, le Lebhaft (vif) est fiévreux et Nézet-Séguin n'hésite pas à le souligner en faisant sonner haut et fort son orchestre et en assenant les grands accords de fin de phrase. La Romanze découvre un chant d'amour légèrement nostalgique dont se détache le solo du premier violon. Presque boulé, le scherzo se lance avec vigueur en pleine lumière, et la section en trio contraste peu. Un test d'excellence de conduite de cette symphonie réside dans la fameuse transition-prélude entre la fin du scherzo dont la force rythmique décline peu à peu, et l'amorce ''plus vite'' de la dernière partie, un étonnant passage mystérieux qu'adornent les appels des cuivres. Nézet-Séguin qui détache ces derniers et les fait jouer forte, ménage ce passage avec maestria. Il mènera le finale brillamment, dont un développement qui se signale par sa fluidité et une coda par son geste grandiose. Au total, un grand ''showpiece orchestral'' d'un souffle inextinguible, où chaque musicien s'investit à 100%, dont une charmante timbalière.

L'impression se confirme, si possible à un plus haut degré encore, avec Don Juan de Strauss. Une exécution d'un élan dionysiaque et proprement incandescente. S'inspirant du poème éponyme de Lenau, Richard Strauss s'attache à disséquer les diverses facettes du héros, bouillonnant, conquérant, généreux et sûr de lui, en autant de thèmes traités dans une incessante modulation et une rythmique variée, où abondent de délicats motifs féminins. Succession de climats impérieux jusqu'au fracas sonore, ou plus apaisé lors d'un séduisant chant d'amour bercé par le hautbois et la clarinette. Il conclut par un épilogue désabusé, vision de l'homme vieilli et proche de sa fin, ultime étape d'une quête qui tourne court dans la désillusion. Le tout ramassé en un timing qui dépasse de peu le quart d'heure. Une prouesse ! Comme le fait de terminer une œuvre si rutilante de façon aussi calme, humblement même. Devant pareille prestation, il est impossible de résister à l'appel des musiciens philadelphiens transcendant l'idée même de virtuosité. La patine de l'orchestre défie le qualificatif de brillance souvent accolé aux grands orchestres américains. On aura remarqué quelques performances individuelles rehaussant l'aura prestigieuse de l'ensemble, celle des bois notamment, hautbois, clarinette et basson. Et surtout la réelle complicité entre les musiciens et leur chef, il est vrai d'un charisme peu résistible. Enthousiasme délirant du public, on le comprend ! Qui se voit interroger par le chef canadien «Vous en voulez encore ?». Devant un ''Oui'' écrasant, l'orchestre entonne une valse d'Elgar, «Salut d'amour», dans le plus pur registre de la séduction.

Texte de Jean-Pierre Robert  

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