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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Gabriel Fauré « Horizons »

CD Gabriel faure Horizons

Gabriel Fauré : Sonates pour violon et piano N°1 & N°2. Sonates pour violoncelle et piano  N°1 & N°2. Trio op. 120
Nocturnes pour piano Nos XI, XII & XIII.
L'Horizon chimérique,
op. 118
Andante pour violon et piano op. 75. Papillon pour violoncelle et piano, op. 77. Romance pour violoncelle et piano, op. 69. Berceuse pour violon et piano, op. 16. Romance pour violon et piano, op. 28
David Lefort, ténor, Pierre Fouchenneret, violon, Raphaël Merlin, violoncelle, Simon Zaoui, piano
2CDs Aparté  :  AP 162 (Distribution : PIAS)
Durée des CD: 81'46+70'15
Note technique : 5/5

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Ces deux généreux CD sont organisés, selon le pianiste Simon Zaoui, comme « une promenade non chronologique à travers les évolutions du style fauréen ». Ils présentent les quatre sonates et le trio pour piano et cordes, outre un cycle vocal, L'Horizon chimérique et quelques courtes pièces. Autant dire une immersion sélective dans la production du compositeur français, rapprochant premiers et ultimes opus. Même si le choix se porte plus sur cette dernière période. Ces pièces sont jouées par quatre interprètes unis par un vrai esprit d'équipe qui traduisent comme peu l'univers d'un musicien approchant ce que Vladimir Jankélévitch appelle « l'inexprimable ».

Il est artificiel de distinguer plusieurs périodes - d'aucuns disent trois - dans la production de Fauré, comme on a pu le faire à l'égard de Beethoven. Qu'il suffise de dire que de l'affirmation d'un mélodisme irrésistible et d'un art unique de la modulation, sa manière s'est peu à peu épurée dans l'introspection, la densité mystérieuse d'une écriture perpétuellement mobile et pourtant si recueillie, mais toujours empreinte de limpidité. Le génie mélodique du jeune compositeur, la Sonate n° 1 pour violon et piano op. 13 en fournit un bel exemple : invention thématique inépuisable, à l'aune du thème lyrique ouvrant l'allegro molto, ou de la rêverie confiée au violon à l'andante. Vivacité aussi d'un scherzo où tout papillonne avec une extrême légèreté et d'un finale dont le thème mélodieux est vite tricoté par les arabesques du piano. Quarante ans après, avec la Seconde sonate pour violon, op. 108, le style est plus resserré, mais procure la même sensation de bonheur. Le violon plane, à  l'allegro initial, sur un balancement insistant de barcarolle, avec là encore ces moments de jubilation et d'élévation. L'andante apporte l'apaisement avec la longue et douce cantilène du violon. Le finale renoue avec le mélodisme des premières années, désormais asservi à une courbe plus complexe.

Les deux sonates pour violoncelle appartiennent à la dernière période. La  Sonate N° 1 pour violoncelle, op. 109 montre ce chemin vers l'abstraction, tissant un tissu grave et mélancolique, à l'aune du premier mouvement rythmé par le piano et la course presque haletante du violon. L'andante semble percer l'impénétrable, la grande courbe du cello se déployant sur quelque ligne de crête. Malgré sa complexité, le finale déploie un chant mystérieux d'une fascinante beauté pour terminer dans la joie triomphante. La Deuxième sonate de violoncelle op. 117 a un ton plus souriant dans ses mouvements extrêmes : thème allant menant l'auditeur sur des chemins escarpés à l'allegro initial, finale plus extraverti foisonnant d'idées au clavier qui semble dominer le violoncelle. Et par contraste, un andante tragique, presque funèbre, à la fois intense et d'une douce confidence.

L'Horizon chimérique, dernier cycle que Fauré livre à la voix (1921), est tout d'émotion intériorisée. A travers les quatre poèmes de Jean de la Ville de Mirmont, tombé en 1914 au Chemin des dames, le musicien distille l'ailleurs. Il y a là un aboutissement dans l'écriture vocale, une profession de foi d'une impossible quête d'horizons inatteignables. Ce que David Lefort traduit par une interprétation pénétrante et sensible, empreinte de sereine discrétion, de sa belle voix de ténor légèrement barytonant. Le Trio pour violon, violoncelle et piano op. 120, l'avant dernière œuvre chambriste, est malgré un ton apparemment ascétique, d'un geste alerte, lumineux. Comme à son allegro introductif qui voit le thème initié par le violoncelle pour ensuite de multiples échanges entre les trois instruments. Le dialogue intense se poursuit à l'andantino, rêverie d'une douceur ineffable, avec cette progression par degré si caractéristique chez Fauré. Le finale scherzando confine à une danse enfiévrée.

L'album présente encore les trois derniers Nocturnes. Fauré reste fidèle à ce qui est ici libre rêverie aux « accents simples, mélancoliques ou résignés pour traduire son amour toujours vivant de la Beauté », note Marguerite Long (''Au piano avec Gabriel Fauré''). Le 11éme op. 104 est à la fois funèbre et élégiaque. Le 12 éme op. 107 sonne plus dramatique. Le 13 éme op. 119 unit un choral, une section médiane presque révoltée et une coda poignante dans sa résignation. Simon Zaoui les joue avec respect sans recherche de l'effet, et presque tendresse, faisant sienne la merveilleuse ondulation du piano fauréen.

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Il est la cheville ouvrière et le trait d'union de cette collection. Sa contribution aux sonates, au trio, au cycle vocal ou encore dans les pièces isolées ne mérite que des éloges. On perçoit une totale symbiose avec ses  collègues. Ceux-ci offrent des interprétations sincères. La sonorité du violon de Pierre Fouchenneret est intense et pourvue de belles couleurs. Raphaël Merlin, le celliste protée du Quatuor Ebène, se tire la part du lion côté séduction sonore, tour à tour empreint de discrétion (Trio), d'une fière assurance (2 ème sonate pour cello) ou encore joliment virtuose (« Papillon » op. 77). 

Les enregistrements sont le fruit de deux sortes de prises : d'une part, en concert, dans une acoustique légèrement ouverte, d'autre part en studio, dans un milieu plus mat. La balance entre instrumentistes est en général satisfaisante, plus discrète dans la 2 ème sonate pour violon que pour le cycle vocal où voix et piano sont traités sur un pied d'égalité.

Jean-Pierre Robert

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