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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Sonates pour violoncelle et piano de Brahms par Jean-Guihen Queyras et Alexandre Tharaud

brahms tharaud queyras cover

Johannes Brahms : Sonates pour violoncelle et piano N° 1, op. 38 et N° 2, op. 99. Danses hongroises Nos 1, 4, 5, 7, 11, 14
Jean-Guihen Queyras, violoncelle, Alexandre Tharaud, piano
1CD Erato : 0190295723934 (Distribution : Warner music)
Durée du CD : 71'31
Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange(5/5)

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La musique de chambre de Brahms contient des trésors, longtemps méconnus en France. Debussy ne professait-il pas le mot assassin « Fuyons, il va développer » ! Les deux sonates pour violoncelle et piano font indéniablement partie de ces gemmes. Elles sont interprétées ici par une paire de choix, à priori improbable chez cet éditeur, pourtant réunie avec bonheur, et qui se pique aussi de transcrire magistralement quelques Danses hongroises.

Comme souvent chez le maître allemand, les deux pièces ont été composées à des moments bien distincts de sa carrière créatrice. La Sonate N°1 op. 38 date de 1865, à une période où s'opposaient les tenants de la « musique de l'avenir » et les partisans du renouveau de la musique allemande. La quête de simplicité, outre la recherche du meilleur équilibre entre deux instruments que bien des éléments séparent, la rangent peut-être dans la première catégorie. Elle n'est constituée que de trois mouvements. Le vaste Allegro non troppo décline trois thèmes : l'un décidé et mélodique, l'autre rythmique, voire tempétueux, le troisième méditatif et mystérieux. Ils sont agencés de manière originale au fil d'une sorte de ballade nordique, comme les affectionne Brahms, aux ambiances tour à tour tendres et lourdes. Ce que les présents interprètes traduisent merveilleusement : l'union des deux timbres a quelque chose d'envoûtant. L'Allegretto quasi Menuetto est un scherzo gracieux et doux, bondissant et fantasque, présentant quelque caractère archaïque au trio mélodique. Là encore, tout respire une volonté de simplicité. Le finale d'écriture fuguée (inspirée du « Contrapunctus XIII » de L'Art de la fugue de JS Bach) répond moins à ce critère. Car la démarche est complexe dans sa pulsation rythmique et la superposition des thèmes. Queyras et Tharaud l'empoignent d'une démarche jaillissante. La Sonate N° 2 op. 99, de 1886, est d'un tout autre climat. L'Allegro vivace qui l'ouvre est une page vigoureuse s'élançant fièrement. Le développement est audacieux de par ses témérités harmoniques qui étonnèrent à l'époque. L'Adagio affettuoso se vit comme un Lied et fait contraste par son intériorité avec le dynamisme précédent. On y retrouve la fluidité d'écriture de la sonate précédente. Le lyrisme domine, au cello en particulier. Queyras y est magistral. Quoique le drame ne soit pas loin, ce que les deux partenaires se plaisent à souligner. L'Allegro passionato compose un scherzo fort rythmé, restitué ici avec un sentiment d'urgence, que le trio entrecoupe par une page de lyrisme choisi. Le rondo final retrouve la fantaisie consubstantielle à Brahms : une forme libre, libérée de tout carcan, chacun des deux instrumentistes se voyant réserver le premier plan et mêlant lyrisme éperdu et rythmique marquée.

Ces interprétations se situent tout en haut du catalogue des versions enregistrées de ces chefs d'œuvre. On pense, entre autres, à celle signée naguère par Mstislav Rostropovitch et Rudolf Serkin (DG). Mais avec une liberté de ton et un naturel vraiment séduisants, sans parler d'une vraie symbiose entre les protagonistes : au piano clair et bien timbré de Tharaud répond l'archet chaud et expressif de Queyras. Rien d'appuyé chez eux, mais une démarche fusionnelle qui emporte d'emblée l'adhésion. Il en va tout autant des six Danses hongroises qui complètent le disque, telle une poignée de bis. Ces pièces écrites pour piano à quatre mains, désormais célèbres dans leur orchestration, connaissent, cette fois, une transcription pour violoncelle et piano. Elle a été effectuée par Tharaud et Queyras eux-même avec tact et esprit. Tout comme leur exécution est éblouissante.  

La prise de son chambriste, en parfaite adéquation avec l'interprétation, rend justice à l'atmosphère intimiste de ces pièces. Bien centrée, l'image sonore restitue avec exactitude la spatialisation des deux instruments sans les détacher artificiellement.

Texte de Jean-Pierre Robert

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