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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

Concert : récital de François Dumont (piano) du 18 janvier à la Salle Gaveau, Paris

francois dumont recital piano salle gaveau 01 2018

  • Frédéric Chopin : Nocturne en ut dièse mineur op. posthume. Valse op. 70 n° 3. Trois Nocturnes op. 9. Barcarolle op. 60. Scherzo N°3 op. 39
  • Maurice Ravel : Gaspard de la nuit. La Valse
  • Claude Debussy : La plus que lente

Pour son récital à la Salle Gaveau, François Dumont avait convoqué Chopin et Ravel avec une incursion chez Debussy, anniversaire oblige. Le choix de cette salle, qu'il n'a pas de difficulté à remplir, peut sembler curieux à un moment où bien de ses confrères et consœurs optent pour la vastitude de la Philharmonie de Paris ou les ors du Théâtre des Champs-Elysées. À tout cela, le scrupuleux pianiste français préfère une proximité vraie avec son public et une manière sans doute plus intimiste d'aborder les œuvres.

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Plusieurs Nocturnes forment l'ossature de la première partie du programme. Le Nocturne en ut dièse mineur op. posthume, marqué « largo con espressione », est une pièce de jeunesse, encore proche de l'atmosphère de salon, et qui propose quelques réminiscences de thèmes du Second concerto de piano. La valse op. 70 n°3 qui suit sans interruption, offre le charme allusif d'une délicate poésie. La trilogie des Nocturnes de l'opus 9 poursuit cette magistrale exploration. Avec ces œuvres, Chopin s'approprie le genre du nocturne romantique créé par John Field, et « donne à cette forme un peu mièvre l'âme qui lui manquait », note Bernard Gavoty. Le premier, très arpégé, s'étire comme une improvisation. Le deuxième progresse telle une cantilène de beau chant italien. Et le troisième, scherzando, mêle un début nostalgique et une section médiane plus agitée qui fait éclater le genre du côté de la ballade. François Dumont traduit toute la poétique de ces pièces par une approche tout sauf virtuose, là où la souplesse supplante la robustesse, et le recours à la pédale se fait mesuré. Il faut dire que l'acoustique feutrée de l'auditorium favorise cette approche. Les tenants d'un son brillant et survitaminé en seront sans doute déçus. Vient la Barcarolle op. 60, chef d'œuvre incontesté. Dumont raconte une histoire au fil de ces pages si expressives de mélodie continue. Combien le piano chante-t-il ! Pour conclure ce parcours chopinien, le Troisième Scherzo montre que le pianiste français sait tout autant maitriser les grandes envolées et dompter les larges sauts de dynamique. Les éclairs sonores qui l'ouvrent n'ont d'égal que le calme frémissant de la première section trio en forme de choral, aux arpèges immatériels. À noter la transition tout en douceur pour mener à la reprise de la première section. Le second choral est finement travaillé et la coda vertigineuse avec ses accords en aplats.

Un tout autre climat préside à la seconde partie du concert, consacrée à la musique française. Avec d'abord Gaspard de la nuit de Ravel. Ces « Trois poèmes pour piano », de 1909, un des sommets de sa musique pour l'instrument, ont été conçus à partir des poème fantastiques d'Aloysius Bertrand, selon un schéma musical rapide-lent-rapide. Dumont en livre une exécution vibrante : toute la transparence et la fluidité de « Ondine », la formidable harmonie lancinante de « Gibet » avec sa note-pédale inlassablement répétée tel un glas, l'instabilité et les ruptures de « Scarbo » où s'unissent grotesque et effroi nocturne. Et partout une éblouissante maitrise rythmique, nourrie de ces changements incessants qu'affectionne Ravel. Nouveau contraste avec La plus que lente de Debussy. On a souvent dédaigné cette pièce, Alfred Cortot le premier. Il en émane une irrésistible mélancolie sous les doigts de François Dumont qui encore une fois nous émeut par la subtilité de son toucher. Coïncidence peu banale que d'enchainer avec La Valse de Ravel, car parodie oblige, au délicat et suranné succède l'obsédant presque morbide. L'étrangeté du début, qui se vit comme un souvenir de bribes de valse dans un lointain mystérieux, laisse place à un rythme qui s'amplifie et finit par s'imposer, se livrer de façon entêtante, comme le sera le Boléro, et se dérégler. Dumont en donne une exécution d'une redoutable précision quitte à forcer le trait à l'occasion par des accords assénés et des glissandos vertigineux. Fêté, il entonne plusieurs bis : le « Prélude » de Ravel, peu connu, pas moins digne d'intérêt, l'Étude révolutionnaire de Chopin, puis un Nocturne évanescent qui, à lui seul, résume bien sa manière d'aborder ce compositeur qu'il chérit. Touche finale amusante, il joue une brève « Polonaise » de JS Bach, occasion de tenter une sorte de comparaison à rebours avec le maitre du piano franco-polonais.

Texte de Jean-Pierre Robert

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