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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Wagner, Le Vaisseau Fantôme, relooké

Wagner le vaisseau fantome

Richard Wagner : Der Fliegende Holländer. Opéra romantique en trois actes. Livret du compositeur d'après Henrich Heine. Version de Dresde. Theo Adam, Anja Silja, Martti Talvela, Ernst Kozub, Gerhard Unger, Annelies Burmeister. BBC Chorus. New Philharmonia Orchestra, dir. Otto Klemperer.
2 CDS Warner Classics : 0190295817442 (Distribution : Warner Classics)
Ière parution : 1968 (EMI). Remastérisation : 2017
Durée des CDs : 76'06+76'17.
Note technique : 5/5

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Remis sur le métier de la remastérisation, pour bénéficier du nec plus ultra des dernières technologies de restitution sonore et lui donner un souffle rajeuni en HiFi haut de gamme, voici de nouveau Le Vaisseau Fantôme enregistré par Otto Klemperer. Un monument qui s'inscrit naturellement dans la collection « Legendary Opera Recordings » de l'éditeur. Pour ceux qui connaissent bien cette interprétation et la suivent depuis l'origine sous ses ''refurbishments'' sonores et packagings successifs, le plaisir d'écoute est renouvelé. Pour les nouveaux arrivants, inutile de dire qu'il s'agit là d'une version de référence.

Du premier chef d'œuvre de Wagner, donné ici dans sa version d'origine en trois actes séparés, Otto Klemperer offre une vision pour le moins grandiose. Cet ''opéra romantique'' acquiert une dimension quasi cosmique, non seulement à travers le déchainement des éléments, mais aussi dans ces tempêtes intérieures qui agitent les protagonistes. Le destin fatal du marin Hollandais errant qui ne peut accoster que tous les sept ans et est voué à un amour impossible, Klemperer le forge avec une singulière intensité. Comme toujours chez ce chef de la trempe des grands Kappelmeister, la démarche est hiératique et les tempos confortables, voire lents (duo Daland/Hollandais au I, introduction du II, chœurs du III dont le débit très rythmé peut paraitre carré). Mais ce hiératisme cache une science minutieuse du tempo et des contrastes : à des ralentissements marqués qui semblent comme figer le cours des événements, font écho des accélérations fulgurantes précipitant le drame. Comme est indiscutable l'art de planter le décor et de créer une atmosphère (entrée du Hollandais chez Senta au II). Sa distribution regroupe un panel de chanteurs rompus à la scène, choisis parmi les meilleurs de l'époque. Ainsi de Theo Adam, un Hollandais vraiment impressionnant. Depuis le monologue « Die Frist ist um » jusqu'aux imprécations finales, on savoure une façon de détacher les mots qui habite le personnage d'une réelle force intérieure et en trace un portrait à la fois tourmenté et d'une autorité impétueuse. Sans parler d'aigus percutants. Le soprano inextinguible, en même temps fragile d'Anja Silja, qui avait séduit Klemperer en l'entendant à Bayreuth en 1967, est un atout ici : ce quelque chose de suppliant dans la voix, cette cassure lorsque sous pression ajoutent à la vulnérabilité de Senta. Autrement dit, le personnage dans sa vérité plus que la pure beauté vocale. Comme dans la Ballade d'une forte charge émotionnelle, décuplée par l'accompagnement puissant, et que le ralentissement du tempo dans la dernière strophe rend encore plus émouvante. Rarement a-t-on entendu un Daland aussi sonore que celui de Martti Talvela. Le finlandais, alors au sommet de son art, de sa voix de basse dépourvue de vibrato mais sans dureté, campe un père à la fois bonhomme et d'une grande noblesse de ton, contrairement à d'autres interprétations qui poussent le personnage vers la caricature. Bien sûr, Ernst Kozub (Erik) n'est pas de la même lignée, par sa voix monochrome et un timbre peu séduisant, et Annelies Burmeister s'acquitte de la partie de Mary sans éclat particulier, mais ils sont emportés par l'immense empreinte du chef. Comme Gerhard Unger, un sympathique timonier. Les BBC Chorus ne sont pas non plus ce qu'on appelle un chœur d'opéra, mais drivés par Klemperer, ils font du beau travail, les messieurs/matelots plus efficaces que les dames/fileuses. Leurs interventions au III sont justement différenciées jusqu'à faire passer le frisson.        

Le nouveau relookage sonore, opéré dans les studios d'Abbey Road à Londres, apporte encore, s'il est possible, un meilleur relief, une plus grande immédiateté à une prise son d'origine comportant assez peu de réverbération (on est quasiment dans la salle d'enregistrement, le Studio N°1 d'Abbey Road précisément). Par le Le retour aux LP master tapes en quatre pistes, enrichis du procédé dit ''Retouch technology''. L'impact est indéniablement renforcé. S'agissant de la masse orchestrale dans sa spatialisation poussée, qui met en exergue les cuivres, une des manières distinctives de la direction de Klemperer. De l'équilibre voix-orchestre aussi, celles-ci non proéminentes, comme souvent dans les enregistrements d'opéras, enveloppées qu'elles sont ici dans le tissu symphonique. On peut presque regretter qu'elles ne soient pas plus mises en avant à certains moments cruciaux comme pour la Ballade de Senta. De la mise en scène sonore enfin, truffée d'effets et bruitages qui satisfaisaient alors à la vogue lancée par Decca pour son Ring/Solti : orage, craquements de bois, machine à vents, bruits de foule et même ronronnement de métier à filer, tout y est pour créer une impression de vie scénique, que la présente remastérisation rend encore plus palpable. Un seul regret : à la faveur de la présente réédition, il eut été judicieux de ne pas couper la fin de la scène de la Ballade pour la renvoyer sur le CD2. Les 3'52 restantes pouvaient être laissées sur le premier CD. Encore mieux : ne pouvait-on pas prévoir trois CD et ainsi loger chacun des actes sur un même disque ?

Texte de Jean-Pierre Robert  

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