CD : Dutilleux - Correspondances
Tout un monde lointain
The Shadows of Time
par l’Orchestre Philharmonique de Radio France
dirigé par Esa-Pekka Salonen
avec Barbara Hannigan, soprano
et Anssi Karttunen, violoncelle
Deutsche Grammophon (Universal)
Durée : 1h 7’ 4’’
Notation : (5/5)
Bien que créée à Berlin le 5 septembre 2003, cette œuvre de Dutilleux, Correspondances, est ici enregistrée pour la première fois. Il s’agit en fait de cinq textes chantés plus un interlude, basés sur des poèmes de Rainer Maria Rilke, de Prithwindra Mukherjee ainsi que des lettres d’Alexander Soljénitsyne et de Vincent van Gogh.
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Dans cette œuvre complexe et chargée d’émotion, Dutilleux marque avec éloquence sa proximité avec le monde littéraire et pictural, sans oublier la dimension politique que matérialise la lettre de Soljénitsyne adressée à Mtsislav Rostropovitch et sa femme la soprano Gallina Vichnevskaïa , qui vient , malheureusement de nous quitter. Extrêmement raffinée, l’orchestration de Dutilleux atteint ici des sommets faisant parfois appel à d’audacieux dialogues comme par exemple celui d’un tuba et d’un accordéon ! La seconde œuvre qui figure sur ce CD est une sorte de concerto pour violoncelle et orchestre créée au Festival d’Aix-en-Provence le 25 juillet 1970. Le titre de cette œuvre pour violoncelle et orchestre « Tout un monde lointain »désigne une œuvre qui s’articule en cinq mouvements et tisse avec Charles Baudelaire des liens étroits. Le dernier mouvement qui termine l’œuvre « Hymne », malgré son aspect trépidant, agité, finit néanmoins par s’estomper et se dissoudre dans un silence confinant presque aux limites du néant, de l’infini… Quant à la dernière œuvre qui met un point final à ce CD « Shadows of Time », sa création remonte au 9 octobre 1997 à Boston, avec l’Orchestre Symphonique de Boston dirigé par Seiji Ozawa. Cette œuvre poignante (le troisième volet « Mémoire des Ombres » rendant hommage à Anne Frank) comporte cinq parties et un Interlude et nécessite les voix de trois jeunes garçons. Une œuvre profondément marquée par un pessimisme évident qui narre sans détours les horreurs encore brûlantes d’un XXe siècle encore tout proche. C’est à Esa Pekka-Salonen que revient la lourde tâche de diriger ces trois œuvres majeures d’un des plus grands compositeurs de notre temps. Il le fait à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, un orchestre qu’il a eu le privilège de diriger il ya encore peu de temps lors du festival « Présences » qui lui était consacré. Avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France, Esa-Pekka Salonen met en lumière l’alchimie secrète et subtile de l’art de Dutilleux, nous révélant chaque détail de son orchestration miroitante. Il serait injuste de ne pas citer les deux solistes de ce CD. Il s’agit de la soprano Barbara Hannigan qui prête sa superbe voix à « Correspondances » et du violoncelliste Anssi Karttunen, qui lui, se met au service avec un talent exemplaire de « Tout un monde lointain »