CD : «Voyage sentimental», sonates pour clavier de CPE Bach
- Carl Philipp Emanuel Bach : Sonates, fantaisies et rondos pour pianoforte «pour connaisseurs et amateurs», 4 ème livre Wq.58, 5 ème livre, Wq. 59, 6 ème livre, Wq 61. Sonate Wq. 65/48
- Mathieu Dupouy, pianoforte
- 1 CD Label-Hérisson : LH 17 (Distribution : Bertus)
- Durée du CD : 66 min 32 s
- Note technique :
(5/5)
Au sein de la production de Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788), la musique pour clavier occupe une place prépondérante. Le fils cadet du Cantor aura été aussi bien virtuose reconnu de l'instrument que théoricien visionnaire. Son «Essai sur la véritable manière de jouer de l'instrument à clavier», de 1753, se place dans le sillage de JS Bach mais complète cet héritage par une solide profession de foi artistique basée sur le fait que la technique ne suffit pas à une parfaite exécution. Elle doit faire appel à l'émotion que dégage l'œuvre. Ce qui inscrit CPE Bach dans l'art de l'Empfindsamkeit ou de la sensibilité. D'où le terme de «Voyage sentimental» choisi pour le présent récital. Les Sonates pour clavier, Fantaisies et Rondos «pour connaisseurs et amateurs», publiées entre 1783 et 1787, sont un point d'aboutissement de l'art du musicien.
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Les sonates réunies ici se composent de trois ou quatre parties alternant ''fantaisies'' et ''Rondos'', voire deux parties comme il en est de la Sonate Wq. 59, uniquement constituée de ''Rondos''. C'est une Musique aux reflets changeants, souvent sans thématique vraiment décelable. Ainsi, des morceaux appelés ''Fantaisies'', cultivant l'art de la digression, du changement, dans un discours proche de l'improvisation (première Fantasia de la Sonate de clavier Wq. 58). Il y a quelque chose d'insaisissable qui dilate à volonté le temps (Fantasia allegro di moto de la même sonate). La Fantasia II de la sonate Wq. 61 est une composition allègre où l'imprévu est érigé en mode de pensée. Les ''Rondos'' paraissent plus concis, quoique l'art de la digression soit encore bien présent, l'impression étant de moindre improvisation que dans les Fantaisies. Ceux de la Sonate Wq. 59 enchainent une suite de variations à partir d'un court thème de quelques notes ; puis un discours livrant d'entrée de jeu quelque mystère avant que l'expression se libère de manière tout aussi imprévisible. Le Rondo médian de la Sonate Wq. 61 (1787) est contemplatif dans sa progression, malgré des accords assénés qui en ponctuent le cours. Quant à la Sonate Wq. 65/48, elle est faite de trois mouvements enchainés : un Andantino charmant, un court ''Adagio e sostenuto'' plus sévère, un Allegro tout aussi concis, s'affirmant dans sa vitalité. Dans toutes ces pièces émaillées d'effets de surprise, perce une forme d'humour dont Joseph Haydn s'inspirera dans ses propres compositions pour clavier.
Mathieu Dupouy, formé auprès de Christophe Rousset et de Pierre Hantaï pour le clavecin, et de Patrick Cohen pour le pianoforte, revient à un compositeur qui lui est cher. Ce CD se situe en effet dans le prolongement d'un précédent paru chez le même éditeur, consacré à la musique pour clavicorde (LH02). Il y fait montre d'une souveraine maîtrise de l'instrument joué, un pianoforte des frères Gräbner à Dresde, de 1791 - donc contemporain des œuvres choisies - et conservé au Musée de la musique à Paris.
La prise de son à l'Amphithéâtre de la Cité de la musique se signale par son immédiateté, donnant une image flatteuse de l'instrument.
Texte de Jean-Pierre Robert
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