Blind Date - L’Amour à perte de vue, au Théâtre de la Huchette (Paris)
de Mario Diament
traduction de Françoise Thanas
mise en scène de John Mc Lean
avec Dominique Arden, Raphaëlle Cambray, Ingrid Donnadieu, Victor Haïm, André Nerman
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Au Théâtre de la Huchette
23, rue de la Huchette - 75005
depuis le 21 janvier 2015 : du mardi au vendredi à 21h et le samedi à 16h
www.theatre-huchette.com
L’endroit où se déroule cette pièce de Mario Diament nous met d’une certaine façon la puce à l’oreille. En effet nous sommes non seulement dans la ville de Buenos Aires en Argentine mais plus précisément sur la place San Martin.
Donc nous n’avons plus aucun doute sur l’identité de ce vieillard atteint de cécité, assis sur ce banc de cette place San Martin : il ne peut s’agir que du célèbre écrivain Jorge Luis Borges ! Mario Diament a donc eu l’incroyable idée de faire de cet immense auteur argentin, le principal protagoniste de sa pièce. Inventeur d’un univers complexe que sa production littéraire matérialise dans par exemple l’Histoire universelle de l’infamie, l’Histoire de l’éternité, Fictions etc…Créateur d’un univers où toutes les options sont possibles et où la réalité risque fréquemment de sombrer dans l’irrationnel, Jorge Luis Borges voit peu à peu plusieurs personnages menés par le hasard, s’asseoir près de lui et gagnés par sa sérénité, lui conter quelques bribes de leur existence. Le premier sera un banquier qui bien que talonné par ses obligations et ses rendez-vous va peu à peu se confier au vieillard aveugle…Soudainement, le vieillard aveugle cesse d’être celui qui écoute les confidences d’un inconnu et se transforme lui-même en conteur, racontant au banquier une histoire extraordinaire qui le hante encore aujourd’hui. Nous sommes à nouveau sur le banc de cette place San Martin et notre écrivain y est toujours assis. Cette-fois ci une jeune fille prend place à côté de lui et met un certain temps à réaliser que son interlocuteur est aveugle. Elle -aussi va se confier à ce vieillard inoffensif, semblant enclin à prêter une oreille bienveillante aux confidences d’une inconnue. Mais la pièce est un peu comme une nouvelle de Jorge Luis Borges : tous les possibles peuvent coexister, soudainement rassemblés par un hasard capricieux, se jouant de toutes les probabilités. Car en contant son histoire, la jeune fille ignore qu’elle vient de décrire au vieillard aveugle, l’homme d’âge mûr avec qui elle a eu une liaison passagère et qui n’est autre que le banquier !Puis nous serons aussi les témoins d’un terrible règlement de comptes entre le banquier annonçant à sa femme( psychologue) qu’il va la quitter. Ultime rencontre : le vieillard voit s’asseoir à ses côtés une femme qui lui raconte une bien étrange histoire qui les concerne tous deux. Ils se sont il y a bien longtemps rencontrés à Paris mais n’ont jamais pu qu’échanger un simple regard. Le temps, cet ennemi terrible maniant l’ironie avec la plus grande désinvolture, les a enfin réunis, mais avec quelques trente ans de retard, rendant ces retrouvailles tardives, un peu amères .La pièce de Mario Diament peut donc se comparer à un tourbillon temporel, fragmentant par une sorte d’ironie féroce les destins de ces cinq personnages, pour finalement s’amuser à les réunir brièvement et aussi à sceller parfois de manière dramatique, leur destin. La mise en scène de John Mc Lean d’une grande sobriété et renonçant à toute superficialité est remarquable, maintenant avec beaucoup de finesse le climat étrange, presque hors du temps, de la pièce de Mario Diament. Si la prestation d’acteur de Victor Haïm interprétant l’aveugle est impressionnante de justesse, Dominique Arden, Raphaëlle Cambray , Ingrid Donnadieu et André Nerman sont tout aussi convaincants.
texte de Michel Jakubowicz
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